Nous vivons dans un monde particulier. Nous sommes des êtres particuliers. La connaissance de notre monde, de nous-mêmes, a fait des progrès énormes depuis l'aube des temps. L'humain est ainsi fait. Son monde, notre monde, est particulièrement sensible à ses perceptions. Nous bâtissons notre vie physique par la perception que nous avons de notre environnement visuel, sonore, du toucher, des odeurs, du goût. Ses sensations, la perception que nous en avons, construisent notre univers de vie.

Les progrès de la science au vingtième siècle nous ont fait découvrir que le champ de perception de nos sens est limité et essentiellement perceptif. Par exemple, l'oeil humain est en mesure de capter les couleurs (qui sont en fait des ondes, une espèce particulière d'énergie électro magnétique) se situant entre 400 et 700 microns, 400 étant le violet et 700 le rouge. Phénomène analogue pour les ondes auditives, etc. Nous évoluons donc dans une certaine relativité puisque si notre perception visuelle est limitée de 400 à 700 microns, cela ne veut pas dire quiil n'existe pas de couleur que notre oeil ignore, des sons que notre oreille ne perçoit pas. On pourrait avancer que notre état d'être, notre nature, est lié en partie, à notre univers perceptif. Le reste étant lié aux lois inhérentes à la nature du monde dans lequel nous évoluons ; par exemple, l'espace océanique, l'espace sidéral, l'espace terrestre . . . sont tous des espaces qui répondent à des lois distinctes.

Charlotte Davies avec Georges Mauro dans la salle de projections du Musée d’art contemporain de Montreal
photographié par Jean-Frangois Lenoir pour Parcours L'lnfomateur des arts © Jean-Franqois Lenoir 1995.

Cette introduction sur notre état d'être est primordiale pour une meilleure compréhension du travail de Charlotte Davies. Charlotte Davies est une artiste multidisciplinaire, qui a peint jusqu'à ce qu'elle découvre le monde de la création en trois dimensions, assisté par ordinateur. Elle découvre ce que beaucoup de gens appellent «la réalité virtuelle». Terme galvaudé qui ne veut plus dire grand chose. Charlotte Davies y préfère «espace virtuel immersif». Davies fait partie des premières armes de l'entreprise Softimage, entreprise dont la technologie dyanirnation en trois dimensions lui a valu une notoriété mondiale. Cette technologie est utilisée à des fins diverses, notamment pour l'animation des dinosaures dans le film «Jurasic Park». Cette technologie, mise au point par Softimage, est davantage vouée à des desseins commerciaux. Charlotte Davies utilise pour son exploration artistique toutes les ressources technologiques et logistiques de la compagnie Softimage (dont elle est la directrice des recherches visuelles). Elle amène cette technologie à des frontières étonnantes qui nous font nous interroger sur notre univers perceptif, sur notre devenir et sur notre identité réelle : qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? D'où allons-nous ?

Osmose

Osmose est une œuvre artistique d'un nouveau genre, créée et réalisée par Charlotte Davies avec l'aide de Georges Mauro pour la création graphique, de John Harrison pour le développement des logiciels de réalité virtuelle, de Rick Bidback pour la musique et de Dorota Blaszczak pour le design et la programmation du son. Osmose se définit comme une œuvre singulière d'autant qu'elle revendique pour la Création assistée par ordinateur le statut de médium d'expression maieur.

Figure 30 -- Char Davies. Arbre Etant, Osmose (1995).
Capture d'image en temps réel par le biais du visiocasque de l'environnement virtuel immersif.

Du 19 août au 1er octobre, les visiteurs du Musée d'art contemporain de Montréal pouvaient voir l'oeuvre Osmose. Les gens entraient dans une salle très sombre (nécessaire pour la visualisation sur écran) où se trouvait un écran vidéo de grande dimension. À l'entrée, chacun des visiteurs se voyait remettre une lunette, nécessaire pour percevoir la troisième dimension. Puis, l'aventure se déroulait sous vos yeux. Émergeaient de l'écran, des formes plus ou moins précises où l'on reconnaissait un paysage imaginaire, synthétique. On parcourait de manière intemporelle et immatérielle un paysage qui pourrait tout aussi être intérieur. Derrière les visiteurs de l'exposition, on discernait un écran opaque où se mouvait en ombres chinoises, un corps que l'on devinait avec une bien drôle de tête. Voilà la vraie aventure d'Osmose.

Certains visiteurs privilégiés pouvaient mettre un casque dimmersion et brancher leur respiration à Osmose. Ce que les autres spectateurs voient à l'écran est en fait ce que le porteur du casque vit. Il se dirige dans Osmose par ses mouvements et par sa respiration. Véritable voyage initiatique à l'intérieur de soi. Le porteur du casque entre dans une nouvelle nature, dans de nouvelles règles, dans de nouvelles lois. Osmose offre ainsi au porteur du casque une aventure perceptive et sensorielle qui n'a rien à envier aux autres types de médiums artistiques, bien au contraire. Elle ouvre un univers encore plus vaste et plus riche que celui que nous percevonset nous amène on ne sait où.

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Last verified: September 17th 2013.